Catherine Estrade






                              Le Train


 
Il n’y a plus de couleur
Le monde est blême livide
et sur le bord des abimes le train signe un regard
Non-stop aux passages à niveau doucement sans arrêt
un trait de khôl au paysage
tracé ferme résistant au verdoiement en sursis
noir charbon saleté de suie partout
 
Verbosités malsaines dans la bouche des excités
Assis dans les compartiments le corps tourné vers le miroir
Ils bavent chamarrent de salive nos joues de peur maculées
Il pleut des bombes
entre les rails sur l’aiguillage
Il pleut
Missile air sol moyenne portée améliorée
 
Ils disent
 
 
Je reste à contre voie
évitement des essieux sur le fer
boucle de rattrapage sur les flancs du convoi
se taire face aux diserts grimaciers aux versificateurs étatiques
 
Propaganda
 
Mais je danse
 
La boite à fumée couvre nos mains de ligne de mort certaine
Aucun ne peut en réchapper la machine est lancée
déraillable dégarée déclassée
c’est ce qu’ils disent
allongés dans des voitures-couchettes étroites la nuit
ils parlent encore
 
Mais je danse
Et sur le quai je danserai encore
 

 



 
 

 
 
 



 
 
 



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