D’abord le Bani, pour rejoindre en confusion Djoliba, Fleuve des fleuves. Bani, Niger, ils mélangent leurs eaux parcimonieuses. La caresse bénie sur la peau ridée de leur nuances grises porte les pirogues outrées. Ils écoulent les énigmes millénaires de leurs arcanes.
A ma raison qui flotte, j’amarre mes iris aux ondes maladroites du rivage. Les pinasses aux couleurs pleurantes vomissent les pyramides faméliques, offertes, dérisoires aux avides avaloires. Les entrelacs scintillants de l’écaille résignée pénètrent ma languitude : goût âpre du sacrifice sur mes habitudes. Les prêtres de l’eau, Bozos et Somonos, foulent de leurs pieds nus les abords sacrés. Le fleuve les engloutit, puis les rend aux boueuses servitudes de la terre. Ma marche se rétracte en mort provisoire.
Baigneuses empressées, les noires naïades cèdent au bain verdâtre les salissures nocturnes. Par leurs mains, le flot s’esclaffe en gouttelettes. La mousseuse inconsistance des savons heurte les flancs des bateaux vermoulus.
Les enfants inventent des mouvements, gribouillent des avenirs aquatiques.
A trop verser mes sens aux rites des labeurs, le fleuve mange le timbre de mes sonorités. Je n’entends rien. Pourquoi est-ce que je n’entends rien ? J’ai dans la tête les relents étonnants d’un silence assourdissant.
Je me libère de l'eau. J'entre dans la ville et je retrouve enfin les bruits, ceux qui sont miens. Claques intermittentes. Choc fer contre fer. Récitations interdites. Le métal s'épanche. J'écoute son histoire, sa force. Les larmes d'acier brouillent mes perceptions en flamme évanescente. Rebelle. Aux forgerons palpeurs de matières anciennes, je lègue ma déroute. Les griffes infernales des fondeurs accroupis exigent l'obédience. Prés du feu, loin de l'eau, les barcasses fardées, nervures policées, fuselage provocant, attendent, impatientes, l'appel inévitable du Fleuve. Je n'ai pas d'autre choix que de suivre le cours de l'émissaire liquide. Soumise. |