Région de Sikasso, Cercle du Wassolon, au Mali Le sol ferralitique grave ses présences d'immuables vigueurs. Dans les sillons de ses poudres suffocantes, il attise la matière rouge et impalpable. Voltigeantes, les blancheurs légères du coton épuré câlinent la rigueur cuivrée. Elles frôlent et s'élancent, s'accrochent, chatouillent, s'amusent et s'évanouissent. Les camions ivoiriens, Éléphants oranges et colossaux barrissent l’excès corporel de leurs incessants passages. Secrets sorciers, les Senoufos contemplent, sereins, les invasions futiles du dehors. Sculptés d'Histoire, enfouis de nitescence, ils couvent leur savoir. Ils récitent en mélopée confidentielle les dédales subtils de leur sagesse. On m'appelle Sega.
Elle, ma mère, laborieuse, le mil cent fois pilé. Les mains soulèvent et soupèsent la rondeur patinée des calebasses. Elles tordent, battent le linge et le livrent aux ardeurs solaires. Elle, ma mère, dessine au va et vient de son corps alangui, sur ses hanches ondoyantes, le sourire sur ses lèvres, le chant sur sa bouche.
Lui, mon père, majestueux, l'uniforme "Toubabou", combattant obligé d'une guerre lointaine. Le claquement puissant des muscles du joueur de Djembé s'accorde aux marches feutrées des troupeaux, dejà delaissé pour la charge héroïque d'une armée étrangère. La cadence infaillible de l'Honneur défendu, la force de ses bras, la pulsation du tambour.
J'ai perçu du tréfonds de ma préexistence, la tension fulgurante de ses doigts sur la peau. Avant que je ne découvre la chaleur sucrée du sein maternel, j'ai plongé mes oreilles et ma vie dans les avalanches inévitables du balancement musical. A peine sorti du ventre humide, j'ai touché, j'ai goûté, dévoré chaque instrument; chaque son, chaque morceau de bois vivant. Nous naissons tous baignés de rythme. Je suis né plus que les autres. Je m'appelle SEGA |