Je berce, je bouge, en avant, en arrière. Le décor instable se change si peu. Je fixe obstinément le cou du chameau qui me mène. La selle durcie par le temps entame ma peau. J'oublie. Je laisse le voile bleu me porter dans un monde connu de lui seul.. Je sais que malgré les années à parcourir les sables, je ne serai jamais que l'ombre de sa marche. Il parle peu, murmure quelquefois des poèmes Tamatchek que je crois comprendre. Infiniment j'allonge l'apparence de mon corps sur le sol. Et je suis, docile, la légèreté tangible du bleu qui me guide. La nuit viendra, subtile et surprenante. Je m'endormirai à l'abri du froid. Il me donnera l'Histoire de l'oasis que je cherche avec lui. Je le crois et je m'endors. Je suis l'éclat doré du désert, multitude éparpillée. Je suis l'indigo de ses joues, de l'arête de son nez. Je deviens traces à deviner, prémices des voyages. Je rejoins l'éternité nacrée de son chemin. Je le crois et je m'endors. Je fuis les combats et j'éloigne de moi les images rouges du conflit. Je recule. Je reviens à la loi des destins mouvants. Je reprends les vertiges bouillants des sécheresses passées. Il enroule sa gorge de mots épuisés. Je l'écoute et je le crois. Serge Gentil |