Et tenter une incursion dans le réel et réorganiser les formes du lieu. Et peser la lumière de chaque objet jusqu’à retrouver l’équilibre. Et se sauver de l’abandon. Masquer l’anxiété d’un coup de dés et relier toute chose au parfum rassurant d'une phrase. Et cette fois sans tomber. Depuis les rives épuisées du consentement, au seuil du corps et sans avoir à le toucher. Et rejoindre l’espace et lui ouvrir un passage. Tu ne pourras pas te quitter, jamais tu ne pourras céder au chaos. Tu construis un monde déficient qui piétine dans la précarité et se rassure dans l’illusion d’une constance. ** Chaque matin au réveil je me réjouis du temps qu’il fait. Quand ce n’est pas encore le jour et que la nuit fini. Quand irréelle la conscience croit en sa propre fin. Ne se souviens de rien. Et s’invente une autre dignité. Chaque matin je demande mon chemin au temps. D’une voix silencieuse et qui tarde à venir. Depuis la fenêtre qu’appareille le vide. Depuis la fenêtre du ciel et les nuages broyés. Chaque matin, je m’étonne d’être toujours en vie, à contempler le voyage et déserter l’évidence. Pour que chaque matin je parvienne à me lever. * J’arrive au bout du temps et de ses habitudes. Et rassembler d’avantage de livres et encore plus de silences. Et ne plus croire en rien de peur d’effrayer l’univers. Et laisser l’ignorant accomplir des merveilles. Pour sans attendre glisser dans l’éloignement. Et pour s’étendre sans fin dans le rien et ne laisser de traces que les mots. Où serais-je si je n’avais pas cette absence ? Où seraient passés mes rêves si tu n’avais pas existé ? Et trouver des mots au milieu des mots, comme ça et sans savoir pourquoi. Et affronter les monologues. Pour moins d’obscurité et par nécessité de soudoyer l’intolérable. J’arrive au bout du temps et de la tranquillité, là où je ne suis encore jamais allé. * Aujourd’hui j’ai perdu l’harmonie. L’incommensurable m’intercepte à la gorge. Le temps resserre mes poings et m’écarte du vivant. Je convulse entre un état de stabilité éphémère et celui d’une anxiété transitoire. Entre l’incertitude du devenir et le confinement des mots qui n’en finit pas. Ma seule ivresse est mon clavier et sa dépendance en recouvre toute ma vue. Je loue les mots à la sourde rumeur de mes ancêtres et leur dois désormais toute ma vie. Comment peut-on aimer la neige et avoir si peur de son implacable hostilité ? Le haut du ciel court dans ma tête et celui d’en bas tremble de froid. Un nid vient de frapper la branche d’un arbre, je l’entends voler en éclats. * Le vide plane autour de mon cœur et tel un ennemi me coupe le chemin. Mais l’ennemi a la peau dure et chante ses mensonges aux refrains du poète. J’ai perdu l’amitié des hommes et perdu leur cruauté. D’un ennemi de chair, j’ai choisi le divin. Le plus dur à circonscrire et le plus réel. Le vide plane sur mon cœur et tel un ennemi passe son chemin. Sans un mot de réconfort et vide le chemin. Pour ce cœur immobile consolé des montagnes et qui tranche la gorge aux ténèbres tranquilles. Comme un mauvais temps qui cingle entre les lignes et assombrit la lune d’un mirage écarlate. © Jean-Louis Van Durme. |