Catherine Estrade




                  Passage à l'acte

 
Il commença par la fin :
 
« Je vais partir. J’ai trop englué mes envies de lâcheté, trop laissé les lacets de notre vie m’étrangler. Je vais partir pour toujours parce je ne t’aime pas, parce que j’ai inventé, des perceptions d’amour qui n’étaient pas. J’ai écris une pièce où je me fondais dans ce que je voyais des autres. Je frappe les trois coups, je pars.
 
Je ne sais pas ce qu’est l’amour parce que je ne me regardais pas, je n’avais de vision que celle qu’on me montre ici ou ailleurs, je m’étais falsifié celle des autres. Je n’ai jamais été ça et tu le sais Dolorès, j’ai tellement triché et toi aussi.
 
Je retrouve mon acuité aux choses, ma portée, je retrouve de la compassion pour ce que je suis. Je pars, je ne te quitte pas, je n’ai jamais été là.
 
Nous avons ensemble inventé des reconstructions qui n’étaient que d’autres mensonges. On ne construit rien, tout est bâti sur les ruines de ce que nous sommes.
Je ne pars pas à cause de toi. Tu ne peux être la cause de rien, puisque tu n’avais d’importance que dans une scène sans intérêt.
 
J’ai été si veule, fourbe, je ne sais pas qui était cet homme qui a pris ma place si longtemps, mais j’étais encore là, quelque part, étouffé, muet, si effaré. Aujourd’hui, j’ai tué l’autre, je reviens à mes errances, mes pertes, à mes manques, je ne remplirai plus les vides, je les épouse, je les touche et les vois.
Je ne remplirai plus rien, je navigue sur les néants qui occupent les erreurs passées, je les contemple, je les considère désormais. Je suis là mais plus ici. Alors je pars.
 
Qu’elle est la force qui fait de nous des acteurs de nos vies, quelle est cette nécessité de nourrir nos illusions, les choyer, les ouvrir jusqu’au parjure de soi. La morale, la peur, l’ignorance ou l’ignorance n’est-elle que ce que nous avons ?
 
Je cesse, je ne joue plus, je choisis d’être mes choix, je vais les chercher, je ne mettrais pas entre eux et moi des créations de ton miroir ou du mien.
 
Je ne m’accuse pas, je ne suis pas coupable, pas plus que toi. Je ne me laisserai pas dévorer par tes mortifications, je te regarderai souffrir avec compréhension mais je n’en souffrirai pas.
De loin je saurai que tu crois avoir mal, de si loin. Regarde comme je suis loin, je l’ai toujours été, tu le sais.
 
Je pars parce que je ne t’ai jamais aimé.
 
4

 
 



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