Il y avait du soleil dans un lit de poussière, et qui brouillait nos pistes de plomb et de langueur. Nous marchions en silence au gré des précipices, étourdis et rêveurs, inconscients et sans nom.
La lumière rasait nos pensées et nos doutes et plus un seul chemin ne mordait nos élans, tandis que le ciel clair au dessus de nos têtes se lassait de rien dire et, vide, absolument, nous chantait un vieil air lointain et entêtant.
Tout à coup l'un de nous tomba dans la poussière, en souriant d'abord, comme on meurt au combat ; et nos pas se raidirent à regarder derrière ce corps noyé de nuit, et qui ne bougeait pas.
Nous marchions sans mot dire et sans maudire encore, nous fermions fort les yeux sur les gouffres profonds ; mais dans nos têtes encore aujourd'hui sans effort revient le chant lointain, inconscient, et sans nom.
Je ne sais plus très bien si l'histoire est ancienne, je n'en saurais trouver ni le lieu ni le temps, ma mémoire a banni les détails sur mes lèvres - mais j'entends là toujours, toujours, ce foutu chant.
Il reste le soleil dans son lit de poussière, nos pistes sont brouillées et nous marchons toujours, rêvant au jour lointain où l'écho du ciel clair résonnera des pas allègres des vivants.
(Rêvez si m'en croyez, n'attendez à demain, Dormez si m'en aimez, les yeux ouverts, les mains, Aimez si m'en rêvez, un pas un chant de rien, Vivez si m'en croyez, vivez avant … N'attendez Rien.) |