Il y a ceux qui mentent. Et il y a ceux qui vivent. Mais tous ne font qu'une seule et même chose. Ils rêvent. Et ils apprennent à mourir. Quand elle s'avançait tout au bord de la falaise, les mains de Clara tremblaient. Ses mains tremblaient, son souffle se coupait, ses jambes faiblissaient, tout son corps se raidissait. Et c'était comme si. Comme si son cœur s'arrêtait de battre. Tous les matins, Clara s'avançait tout au bord de la falaise, et tous les matins, elle mourait pour survivre. Aucune habitude, aucune répétition ne semblaient marquer ce rite étrange. Ne semblaient perturber l'effet du jeu. Clara mourait tous les matins. Elle était sans âge et ne parlait pas. Je n'ai jamais su si ce mutisme était volontaire. Je ne le saurai jamais. Quand Clara dansait au bord des chemins, c'était la fin des abîmes. Tous, du plus grand au plus petit, la suivaient des yeux. Entre la tendresse et la jalousie, il y avait Clara, Clara qui dansait. Le chemin lui-même n'en revenait pas, sous les pas de Clara le chemin dansait. La fin des abîmes au bord des yeux et le silence au bord des lèvres. Le rêve avait les cheveux défaits de l'étoile qui file. Et je l'ai vue. Moi, je l'ai vue. Moi, je l'ai vue danser. J'ai vu Clara danser. La voir danser ainsi sur le bord du chemin, la voir ainsi mourir tout au bord des falaises, c'était comme de vivre. Comme de se souvenir. Enfin. Elle ne dansait pas dans des jupes frivoles, elle ne dansait pas la tête renversée. Elle ne dansait pas fort. Elle dansait comme on tombe, comme on s'endort, comme on marche sur la pointe des pieds, comme on sourit. Elle dansait comme on aime. Comme on écrit. Parce qu'elle ne pouvait pas -parce qu'on ne peut pas faire autrement. Moi, je l'ai vue danser. J'ai vu la vie danser sous les pas de Clara. |